La visite matinale de Jo

Dimanche matin, 6 heures 50, j'étais encore au lit profondément endormi quand j'entends qu'on tape sur ma fenêtre. Je sors du lit, un peu ahuri, sans comprendre réellement ce que je fais, je vais voir. C'est Jo. Je lui ouvre la fenêtre, il entre dans ma chambre.

Je le regarde, il a une sale tête, cheveux ébouriffés, yeux rouges, cernés, il est pâle comme un cachet d'aspirine. Je lui demande :

- Mais qu'est-ce qui t'arrive pour venir me voir à cette heure-là ?

- Désolé de te réveiller, je voulais savoir si tu as de l'herbe ?

- De l'herbe ? Tu me réveilles pour savoir si j'ai de l'herbe ? Tu sais bien que je suis la dernière personne de tes connaissances à fumer de l'herbe !

- Désolé, je croyais que tu en avais.

J'ai regardé Jo, il planait complètement, il n'était pas venu chercher de l'herbe. Il était venu pour me voir, je le connais depuis suffisamment longtemps pour voir qu'il avait un problème.

- Jo, assis-toi ! lui ai-je ordonné en tirant ma chaise de bureau vers lui.

Il s'est assis et j'ai repris :

- Qu'est-ce qu'il y a ? Tu as une sale gueule, tu n'es pas encore rentré chez toi, je parie.

- Tu as raison, je suis crevé. J'ai passé la soirée au Cristo. J'ai fait n'importe quoi.

- Tu m'avais dit pourtant que tu n'irai plus dans cette boîte-là. Pourquoi tu y es allé ?

- Je n'avais rien à faire, j'ai voulu m'amuser un peu.

- Tu as bu ?

- Oui, j'ai bu, j'ai sniffé, j'ai fumé et j'ai baisé.

- Tu as baisé qui ?

- Deux filles, j'ignore leurs noms.

- Deux filles ?! Mais ça va pas Jo ?

- Le pire c'est que je ne suis même pas sûr d'avoir mis une capote, tu te rends compte !

- Jo, mais tu as vraiment fait n'importe quoi !... Et Lena, tu as pensé à elle ?

- Oui, j'ai pensé, j'ai beaucoup trop pensé à elle justement... Figures-toi que cette chère Lena m'a plaqué.

- Lena t'a plaqué ?

Je n'arrivais pas en croire mes oreilles, elle l'avait fait. J'étais heureux de l'entendre mais il m'était impossible de me réjouir devant Jo. Il poursuivit :

- Toi aussi, tu n'arrives pas à le croire et oui, hier elle me l'a dit. Je suis allé chez elle, ça faisait longtemps qu'on avait pas passé de moment tous les deux, j'avais très envie de lui faire l'amour et puis, Madame m'a dit qu'elle n'avait pas le temps et qu'elle préférait qu'on fasse une pause. C'est la première fois qu'une fille ose me mettre sur pause. Elle a osé cette salope !

Je n'ai pas supporté que Jo la traite ainsi, je l'ai tout de suite répondu :

- Lena n'est pas une salope, tu es en colère mais c'est pas une raison pour l'insulter.

Jo fut surpris que je réagisse ainsi, d'habitude je n'ose jamais lui dire quoique ce soit mais là, je ne pouvais pas laisser ça passer.

- Je sais, m'a-t-il répondu.

Puis, je ne sais pas à quoi il a pensé mais il s'est mis à chialer comme un bébé et m'a confié :

- Fred, j'ai fait vraiment le con hier soir. Je suis allé au Cristo pour me venger de Lena. Je lui avais promis de ne plus y aller. J'ai couché avec ces filles pour lui montrer que je peux me taper toutes les filles que je veux. Mais ce que j'ai fait, ça n'a servi à rien. J'ai la gueule de bois, j'ai l'impression que ma tête va exploser et j'ai peut-être attrappé une saloperie avec ces filles que je ne suis même sûr de reconnaître aujourd'hui si je les croise dans la rue. C'est la merde !

C'était la première fois que je voyais Jo si vulnérable. Le pire c'était que j'étais peut-être la cause de tous ces malheurs. Jo semblait très affecté par sa rupture avec Lena, j'ai pensé qu'il devait être amoureux d'elle. Mais Lena était amoureuse de moi maintenant, je ne voyais plus qu'une chose à faire, l'aider à tourner la page.

- Jo, il faut maintenant que tu te reprennes. Viens, on va se prendre un café dan la cuisine. Il faudra que demain, tu ailles te faire dépister, j'espère pour toi que tu n'as rien chopé.

- Je l'espère aussi, Fred.

Jo et moi, nous sommes allés prendre un café, il l'a pris bien noir. Je crois que ça l'a aidé à remettre ses idées en place. Puis, on est allé faire un tour. Je lui ai dit qu'il faudra du temps mais qu'il se retrouvera une autre copine bien plus jolie et plus sexy que Lena (même si pour moi, il n'y en avait pas plus jolie et plus sexy qu'elle). Il a ri et il m'a dit :

- Lena ne m'a pas quitté officiellement, elle m'a dit qu'elle voulait faire une pause en ce moment et qu'on reprendrait notre relation après le bac.

- Ah bon ! Elle t'a dit ça ?!!!

Je venais de comprendre que Lena ne l'avait pas encore totalement quitté. Elle pouvait se remettre avec lui dans quelques temps.

Jo reprit :

- Toi aussi, tu es surpris. Moi je sortais bien avec elle l'an dernier et j'ai eu mon bac sans problème. Cette pause est pour moi ridicule et inutile.

Je ne savais plus quoi penser de cette situation, je lui ai demandé :

- Donc si je comprends bien, vous faîtes une pause tous les deux, donc tu peux faire ce que tu veux ton côté et elle pareille ?

- C'est ça.

Jo s'est arrêté deux secondes, il a réfléchi à quelque chose et s'exclama :

- Fred, tu viens de me donner une idée géniale. Je vais sortir avec une autre fille et quand Lena me verra avec l'autre, elle sera tellement jalouse qu'elle regrettra ce qu'elle a dit et elle me suppliera de ressortir avec elle.

J'étais sidéré par ce que Jo venait de me dire. Comment pouvait-il sortir avec une autre fille juste pour rendre Lena Jalouse ? Mais cette idée qu'il trouvait géniale, allait peut-être faciliter les choses pour Lena et moi, je l'espérais en tout cas.

J'ai accompagné Jo jusqu'à son immeuble, il m'a remercié. Il m'a dit que ça allait beaucoup mieux et qu'il allait dormir un peu avant de partir à la conquête d'une jolie petite brebis. Je suis rentré chez moi, je n'arrêtais pas de repenser à tout ce que Jo m'avait raconté. Je pensais à Lena, je devais lui parler à tout prix. Je devais aller la voir au plus vite.

Tiré du Journal de Fred