Fin de soirée avec Ludivine

Une fois,  à la maison, nous avons retrouvé Ludivine qui était en pyjama, un pyjama orange clair avec un tigre sur le devant. Je trouvais ça marrant de l'imaginer en tigresse. Elle était allongée dans le canapé en train de regarder un film. C’était les « Men in black international ». J’aime bien ce film moi aussi. Devant elle, sur la table basse, il y avait un pot de Nutella ouvert avec une petite cuillère dedans. Il semblait déjà bien entamé. Quand j'ai vu ça, je n'ai pu m’empêcher de penser à Ludivine, ici, seule et déprimée, trouvant son seul réconfort dans ce pot de Nutella. Chrissie l’a saluée en criant :

-         On est de retour !

Ludivine s’est retournée pour nous regarder. Elle a dû voir que Chrissie était un peu éméchée.

-         Vous avez fait vite, fit-elle remarquer.

En effet, il était 22 heures 50. Je lui ai dit :

-         Tu regardes les Men in black. J'adore ce film.

Je me suis arrêté près du canapé une minute pour regarder une scène d’action. Chrissie, elle, est partie directement dans la chambre. Quand je l’ai rejoint, je l'ai vu étendue sur le lit, elle ronflait déjà. Moi, je n’étais pas du tout fatigué. Je suis donc retourné dans le salon, pour regarder la suite du film avec Ludivine.

Comme Ludivine était allongée dans le canapé, j'allais prendre une chaise pour m’asseoir. Elle s'est alors redressée et m’a dit :

-         Je ne pensais pas que tu allais revenir regarder la suite avec moi. Viens dans le canapé, il y a de la place.

-         Je ne voulais pas te déranger.

Je suis donc venu m’asseoir à côté d’elle dans le canapé. Elle m’a demandé :

-         Chrissie a dû passer une très bonne soirée pour te laisser venir regarder le film avec moi ?

-         En fait, elle dort déjà. J’en profite.

-          Je me disais aussi… C’était trop beau pour être vrai !

J’ai souri et je lui ai dit :

-         Elle a bu quelques verres, ça l’a mis ko. Je ne savais pas qu’elle ne tenait pas l’alcool.

-         Chrissie ne boit jamais d’habitude. Qu’est-ce qui l’a pris ?

-         Ce n’était pas mon idée. Tu peux regarder sa page Tic-Book et tu sauras tout de notre soirée.

-         C'est pas vrai ? Elle a tout mis sur Tic-book ?

-         De sa coiffure à son envie de vomir qui nous a forcé à quitter le resto plus tôt que prévu.

Ludivine a pris son portable et elle a regardé. Elle était effarée.

-         Chrissie est complètement folle ! Qu’est-ce qui lui a pris de mettre tout ça sur le net ?

-         Tu as vu finalement, on a fini la soirée à quatre, super !

-         Je connais cette Linda. Elle est déjà venue ici.

-         Son copain a l’air sympa. Un rugbyman, il m’a dit de venir le voir jouer dimanche, il a un match au stade.

-         Tu vas y aller ?

-         Oui, mais, je n’en ai pas encore parlé avec Chrissie.

-         Je pourrais venir avec vous ? J’ai toujours voulu voir un match de rugby pour de vrai mais je n’en ai jamais eu l’occasion.

-         Oui, y a pas de problème.

Pourquoi lui ai-je dit oui ? Bien sûr qu’il y avait un problème. Chrissie allait encore me faire une crise... Mais, il faudra qu’elle arrête, je ne vois pas ce qu’il y a de mal à voir un match de rugby avec elle et sa sœur.

Ludivine continuait à regarder les photos et j’ai vu qu’elle s’attardait sur certaines photos et a lancé :

-         Elle a pris beaucoup de photos de toi, a-t-elle fait remarquer.

-         C’est pas trop mon délire les photos mais ça lui faisait plaisir. Au moins, elle n’a pas honte de s’afficher avec un black.

-         Oh, ça, non. Je crois même que c’était son fantasme.

-         Ah bon ?

-         C’est le fantasme de beaucoup de lycéennes, je crois. Si tu étais rappeur, ça aurait été le summum. Mais basketteur, c’est déjà très bien, rassure-toi.

-         Ouf, heureusement que je me suis mis au basket !

On a rigolé. Poussé par ma curiosité, je lui ai demandé :

-         Toi aussi, tu fantasmais sur les grands blacks au lycée ?

Surprise par ma question, elle m'a répondu en souriant :

-         Quelle question !... Non, moi, c’était les grands blonds, m’a-t-elle répondue toute amusée.

-         Ah bon ?

Elle a éclaté de rire et m'a lancé :

-         Je plaisante ! Au lycée,  j’avais le même corps de rêve que celui que j’ai aujourd’hui mais j'avais en plus, plein de boutons d’acné sur le visage. Je voulais juste trouver quelqu’un qui m’aimerait comme je suis, qu’il soit black ou pas, je m’en foutais pas mal.

J’écoutais Ludivine et je me disais que ça n’a pas dû être facile pour elle tous les jours au lycée. En plus, elle était toujours célibataire aujourd’hui, je regrettais un peu ma question.

Elle continuait de zieuter les photos qu’elle faisait défiler et elle a sorti :

-         Ce n’est pas l’alcool qui l’a mise ko, ça doit être épuisant de prendre autant de selfies ! Elle a dû battre un record là !

-         Si elle ne l'a pas battu, elle n’était pas loin, ai-je répondu en souriant.

On a ri. Puis, elle m'a demandé :

-         Ils sont bons leurs tacos ? J'y suis jamais allée.

-         Ouais ! Mais Chrissie n’est peut-être pas de mon avis, elle n'a presque rien mangé…

-         Niveau bouffe, Chrissie n’est pas une référence.

Puis, en regardant le pot de Nutella planté en plein milieu de la table basse devant nous, j’ai osé lui demander :

-         Et toi, t'as mangé quoi ?

-         Des pâtes.

-         Tu me rassures. J’étais en train de me demander si ce pot de Nutella n’était pas ton dîner.

-         C’était mon dessert. Je sais que c’est très mauvais, que c’est plein d’huile de palme, bourré de sucre… Ne me fais pas la leçon, je t'en prie !

Je la voyais, elle avait honte, j'avais l’impression qu’elle s’en voulait. Je me suis alors demandé si je n’étais pas allé trop loin en lui faisant cette remarque. Après tout, c’était sa vie, son  pot de Nutella, en quoi ça me regardait ? Je ne savais pas quoi lui dire pour rattraper le coup… Et c’est sorti comme ça :

-         C’est sûr qu’un mangeur de Tacos est la personne la mieux placée pour te faire la leçon sur ta consommation de Nutella !

Elle a souri. J’étais content d’avoir pu la faire sourire à nouveau. Je ne voulais pas qu’elle se sente mal à cause de moi. Elle me regarda et me demanda :

-         Je ne voulais pas t’en parler, mais hier soir, je vous ai entendu vous disputer, toi et Chrissie. Qu’est-ce qui s’est passé ?

J’hésitais à lui dire que c’était à cause d’elle et que Chrissie était jalouse d’elle, de cette complicité qu’il y a entre nous. J’ai préféré mentir :

-         Chrissie m’a gonflé. Elle veut que je fasse comme ci, comme ça. Ce que je dis, ça  ne lui plaît pas, ce que je fais, ça ne lui plaît pas non plus. C’est énervant. Hier soir, je ne la supportais plus, j’ai eu envie de me casser.

-         Je connais son côté autoritaire, je te l’accorde, c’est insupportable par moment. Ça a l’air d’aller mieux entre vous aujourd’hui ?

-         Oui, elle s’est excusée. Tout est rentré dans l’ordre.

Ludivine m'a regardé en souriant et m'a dit :

-         En tout cas, je suis contente qu’elle ait réussi à te convaincre de rester.

Elle a posé son portable sur la table et n’a plus posé de question.

Ludivine est différente de Chrissie en tout point, physiquement mais aussi moralement. Mais elle avaient deux points communs : leurs beaux yeux bleus et moi. J’ai senti ce soir-là qu'elle semblait plus attachée à moi que ce qu’elle osait dire. J’ai regardé le film avec elle, on a passé un bon moment. On a bien ri.

Je me souviens que le film était fini, des noms qui défilaient dans le générique de fin, et puis, plus rien. J’étais en train de dormir quand J’ai senti la main de Ludivine sur moi. Elle m’a secoué doucement en me disant :

-         T’endors pas ici ! J’en connais une qui va encore péter un câble si elle te voit dormir là.

J’ai souri et je me suis levé. Ouf, heureusement que Ludivine m’a réveillé, ça aurait ma fête sinon.

Une fois dans ma chambre, Chrissie dormait toujours comme un bébé. Moi, je voulais me rendormir mais je n’y arrivais pas. Je n’arrêtais pas de penser à Ludivine et à tout ce qu’elle m’avait dit. Je trouve que Ludivine est une fille super et qu’elle mérite vraiment de trouver quelqu’un de bien qui l’aimerait comme elle est. C'est ce que je lui souhaite en tout cas.