Ludivine vs Chrissie

Les choses auraient pu se tasser comme ça entre les deux sœurs mais ça aurait été trop simple. Comme tous les deux jours, je suis rentré chez moi ramener mon linge sale et en récupérer des propres. De retour vers l’appart, j’ai entendu derrière moi, quelqu’un qui m’appelait, je me suis retourné et j’ai vu Ludivine qui me faisait un signe de la main. Je l’ai attendue et nous avons fait la route ensemble.

-         Tu es parti récupérer tes affaires ?

-         Ouais !

-         Heureusement qu’il y a ça, sinon elle t’aurais enfermé à vie dans sa chambre.

-         Ça prouve au moins qu’elle m’aime.

-         Je ne suis pas sûre qu’enfermer quelqu’un comme elle le fait soit une preuve d’amour.

Je l’écoutais, ce qu’elle disait était tout à fait sensé mais je lui ai répondu :

-         C’est ma faute, j’aime trop être son prisonnier.

-         Ah, ça oui ! Tu prends ton pied dans cette chambre et ça s’entend, m’a-t-elle lancé en souriant.

-         Ne me dis pas que tu nous entends ? ai-je demandé.

-         Même avec mes boules Quiès, je vous entends toujours !

J’avais honte, j’ai baissé la tête et je n’osais plus la regarder. Jamais je ne m’étais soucié du bruit qu’on faisait, jamais je ne m’étais demandé si cette chambre était bien insonorisée. Je n’avais jamais pensé qu’on pouvait nous entendre, je n’avais jamais pensé à Ludivine . J’étais vraiment dans une autre réalité et il me fallait atterrir et vite. Je me suis excusé :

-         Je suis désolé, Ludivine, vraiment désolé.

Elle m’a regardé, a souri et avec une voix très douce m’a dit :

-         Tu es vraiment mignon, Fred. Ma sœur a vraiment de la chance de sortir avec toi...

J’étais surpris qu’elle me dise ça. Je commençais à me faire un film dans ma tête me disant qu’elle craquait peut-être réellement pour moi, et que ça allait encore compliquer les choses avec Chrissie. Mais elle a dû lire dans mes pensées et me stoppa dans mon élan :

-         Ne va pas t’imaginer n’importe quoi ! Je voulais pas dire « mignon » dans le sens de « mignon » mais parce que je constate que t’es un gars bien…  Mais en passant, comme je suis célibataire, t’aurais pas un frère à me présenter ?

-         J’ai un petit frère, et il est beaucoup trop jeune pour que je te le présente. Il a 13 ans.

-         Là, oui. Dommage !

Et elle a rajouté sur le ton de l’humour :

-         Le détournement de mineur, c’est pas vraiment mon truc.

On a rigolé. Nous étions arrivés. Elle a ouvert la porte. Chrissie est sortie de la chambre et nous a vus rire ensemble. Elle  a vu rouge :

-         Qu’est-ce qui vous fait rire comme ça  ?

-         Rien, a répondu sèchement Ludivine.

-         Rien ? a repris Chrissie en me regardant.

-         Ludivine me demandait si j’avais un grand frère à lui présenter. Je lui ai dit que mon frère avait 13 ans. Elle me disait que le détournement de mineurs, c'était pas trop son truc, on rigolait là dessus.

-         Allons, viens, m’a-t-elle ordonné en voulant que je la suive vers la chambre.

-         Peut-être que Fred n’a pas envie de regagner sa prison dorée tout de suite, a suggéré Ludivine.

Puis se tournant vers moi, m’a demandé :

-         Je vais faire du café, vous en voulez ?

Chrissie m’a regardé pour voir quelle réponse j’allais lui donner.

-         Allons pour un café, ai-je répondu.

Je sentais que Chrissie n’avait pas du tout envie de boire un café avec sa sœur mais elle n’a pas voulu me contrarier.

-         OK, a-t-elle répondu.

C’était dur pour nous de commencer la conversation. Nous regardions Ludivine préparer le café silencieusement. J’étais même en train de me demander si c’était une bonne idée d’avoir accepté ce café tant ce silence fut lourd. Quand Ludivine revint avec les tasses, c’est elle qui commença à parler.

-         Alors Fred, c’est un peu comme si tu habitais ici maintenant et pourtant, je te connais à peine. Tu m’as dit que tu avais un frère. Est-ce que tu as des sœurs ?

Et c’est ainsi que j’ai commencé à lui parler de ma famille, de mes origines réunionnaises, de mes études, du basket. C’est avec plaisir que je répondais à toutes les questions qu’elle me posait. Ludivine avait des amis réunionnais, elle m’a dit qu’elle avait déjà mangé des plats de chez moi et qu’elle avait adorés. Pendant toute notre conversation, Chrissie ne desserrait pas les dents, elle n’a pas dit un mot. A un moment, Ludivine me demanda :

-         Tu aimerais retourner à la Réunion pour y vivre ?

J’allais lui répondre quand Chrissie s’est levé et s’adressa à sa sœur sur un ton pas croyable :

-         C’est pas fini cet interrogatoire ! Merci pour le café mais Fred et moi, on a autres choses à faire maintenant !

J’ai trouvé déplorable sa manière de s’adresser à Ludivine, mais c’était ma copine et j’étais incapable de lui dire quoique ce soit. J’ai regardé Ludivine dont le visage s’était fermé. Je l’ai trouvé triste et je voulais faire quelque chose pour la consoler. Je lui ai donc dit :

-         Pour répondre à ta dernière question, Ludivine. Oui, je rêve de revoir mon île et je souhaite un jour rentrer pour y vivre. Mais pas tout de suite, après mes études peut-être.

-         Merci pour ta réponse, Fred, et désolé pour toutes ces questions, m’a t- elle répondu en souriant.

-         C’était cool, t’inquiète ! lui ai-je répondu.

J’étais content de la voir sourire à nouveau. Je me suis levé pour rejoindre Chrissie. Alors que j’allais entrer dans la chambre, elle m’interpela :

-         Fred, au fait, ce soir, je pensais commander des pizzas, ça vous dit qu’on les prenne ensemble.

-         OK, ai-je répondu.

-         Super ! a-t-elle lancé avec un sourire qui allait jusqu’aux oreilles.

J’ai fini par retrouver ma chère Chrissie dans la chambre. Elle fulmina contre sa sœur :

-         Ludivine est vraiment chiante ! Qu’est-ce qu’elle a à te poser toutes ces questions ? Et maintenant cette pizza !

-         Faut que tu te mettes à sa place, elle doit se sentir seule depuis que je suis là. Tu es tout le temps avec moi.

-         Mouais…

Je la déshabillai en l’embrassant dans le cou. Je savais que ça avait l’art de l’exciter quand je lui faisais ça. Elle oublia vite Ludivine pour se concentrer sur tout autre chose.